
Dans les feuillets de graphène formés d’atomes de carbone constituant une sorte de réseau cristallin en deux dimensions pavé d’hexagones, les électrons du courant électrique peuvent entrer en collision pour adopter le comportement de l’écoulement d’un fluide visqueux, comme l’illustre ce dessin. © The University of Manchester
Article source: futura-sciences.com/
Graphène : une conductivité miracle grâce à un fluide d’électrons turbulent
Publié le 25/08/2017 par : Laurent Sacco
Dans le graphène, matériau prometteur pour l’électronique du futur, le courant électrique peut s’écouler en rencontrant une résistance étonnamment basse. C’est qu’il se comporte alors comme un fluide visqueux, ce qui, paradoxalement, améliore la conductivité, expliquent des scientifiques.
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Intuitivement, la vitesse d’écoulement d’un fluide visqueux comme le miel semble moins élevée que celle de l’eau. Il devrait en être de même pour les électrons se déplaçant au sein d’un matériau.
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Ce n’est pas ce qui se produit dans le graphène, où le comportement collectif des électrons autorise même la conduction à dépasser une limite, déterminée il y a longtemps par le physicien Landauer.
Il y a quatre ans, l’Union européenne a décidé d’octroyé un milliard d’euros pour des projets de recherches sur le graphène étalés sur une décennie. Le graphène est en effet censé catalyser plusieurs révolutions en nanotechnologie et en particulier en nanoélectronique où il autoriserait des dispositifs, plus petits, plus rapides et moins gourmands en énergie.
L’un des domaines de recherches est celui de sa conduction électrique. Le phénomène est faussement simple. Des résultats intéressants sont bien obtenus par la modélisation de la conduction électrique en considérant un gaz d’électrons classique, se déplaçant dans un réseau cristallin. Ils s’y trouvent des impuretés et des défauts, lesquels expliquent (en partie) la résistance électrique car ils constituent des obstacles. Mais pour aller plus loin, il faut avoir recours à la théorie quantique, notamment avec le concept d’ondes de Bloch.
Un comportement collectif des électrons viole la limite de Landauer.
Dans le cas des métaux normaux qui ne sont pas en phase supraconductrice, les électrons peuvent s’y déplacer selon plusieurs modes de transport, dont l’un, le plus rapide, est appelé balistique. En mode « diffusif », les électrons s’y déplacent comme des boules de billard entrant en collision avec de nombreux obstacles. En transport balistique, en revanche, ces obstacles sont peu nombreux et éloignés les uns des autres.
Toutefois, ce mode de conduction balistique n’est vraiment applicable que dans des structures se comportant comme si elles avaient une seule dimension, voire deux, comme les nanofilaments de métal ou encore les nanotubes de carbone et les feuillets de graphène. Il existe alors uneconductance limite (l’inverse de la résistance), déterminée par le célèbre Rolf Landauer dans le cadre de ce que l’on appelle le formalisme de Landauer-Buttiker (attention, à ne pas confondre avec la fameuse limite de Landauer qui est liée à la thermodynamique du traitement de l’information).
Mais voilà qu’un groupe de physiciens de l’université de Manchester vient de publier un article dans Nature (diffusé en accès libre sur arXiv) et qui montre que la limite de conductance de Landauer ne s’applique pas au graphène, déjà connu, pourtant, pour présenter une conduction supérieure à celle du cuivre de plusieurs ordres de grandeur.
Les expériences confirment aussi un phénomène étonnant, déjà découvert depuis quelque temps et en train de motiver la création d’une véritable théorie hydrodynamique des électrons en physique du solide. En effet, les électrons au sein du graphène peuvent parfois se comporter comme s’ils constituaient un fluide visqueux, pouvant devenir turbulent, et c’est paradoxalement cette viscosité même qui conduit à une conductance très grande, violant la limite de Landauer. De plus, alors que la résistance augmente avec la température pour les matériaux ordinaires, dans le graphène, au contraire, elle diminue, du fait, là encore, de l’apparition de ce fluide visqueux.
Il semble que ce qui explique ces phénomènes étonnants soit l’apparition d’un certain comportement collectif des électrons. Ceux qui entrent en collision avec des obstacles réagissent en retour sur les autres, les repoussant, de telle manière qu’ils leur évitent de rencontrer eux-mêmes les obstacles. Canalisés de la sorte, ces électrons chanceux s’écoulent plus facilement.
Du jamais vu : le courant électrique devient turbulent dans du graphène
Article de Laurent Sacco publié le 4 mars 2016
La conduction des électrons dans un solide ressemble, par certains aspects, à l’écoulement d’un fluide. Des expériences et considérations théoriques issues de la physique quantique laissent penser, pour la première fois, que ce fluide peut aussi devenir turbulent dans un matériau précis : le graphène. Cette découverte devrait aider à l’avènement d’une nouvelle électronique.
Il y a douze ans environ, en 2004, Andre Geim et son collègue Konstantin Novoselov firent la découverte du graphène, ce matériau miracle dont l’épaisseur est celle d’un atome de carbone et que l’on obtient en séparant ingénieusement les feuillets du graphite composant la mine de nos crayons. Ils remportèrent le prix Nobel de physique en 2010 pour leurs expériences. Trois ans plus tard, la Commission européenne annonça le financement à hauteur d’un milliard d’euros sur dix ans des recherches sur le graphène. Aujourd’hui, ce matériau continue de faire rêver les ingénieurs mais aussi les physiciens du solide.
Possédant une résistance à la rupture 200 fois supérieure à celle de l’acier, le graphène pur est aussi six fois plus léger. Il est également un remarquable conducteur. On peut s’en servir en le modifiant pour faire des semi-conducteurs et d’autres matériaux pour l’électronique. On attend de lui de nouveaux ordinateurs plus petits, plus rapides, moins gourmands en énergie ainsi que le développement d’une électronique ultraplate sur des feuilles que l’on peut rouler comme du papier. L’université de Manchester, lieu de la découverte du graphène, est bien consciente de son potentiel. Elle a mis en ligne toute une série de vidéos explicatives détaillant les propriétés du graphène et ses applicationsdéjà réalisées ou à venir (voir la suite et les vidéos ).
Mise à jour investigations ufoetscience, le : 30/08/2017 à 10h30.